J'ai essayé de recopier texto les pages du carnet de mon grand-père Théodore BOUVIER ; on y retrouvera ses tournures de phrases et ses fautes d'orthographe, mais, on sera indulgent pour une personne qui n'est pas allée à l'école longtemps ; par contre le vocabulaire est très riche!...

 

 

 

Voici l'auteur de ces quelques pages : Théodore BOUVIER.

La photo a été prise le 3 juin 1963.

Ces pages ont été écrites en 1899 ; il vous suffira de cliquer sur certaines photos pour les voir en plus grand...

J'ai ajouté quelques photos pour enjoliver le récit.

Introduction

Lecteurs, vous pouvez lire ce récit, ce n'est pas une légende ni une histoire sortie de la tête d'un grand écrivain et copier dans son cabinet; ceci est sur le terrain même ou se passent les faits racontés ci-après.

C'est tout simplement le voyage d'un petit soldat français en Afrique parti au moment du conflit entre la France et l'Angleterre pour y défendre et y faire respecter le drapeau de sa patrie menacé sur cette terre lointaine.Vous trouverez dans ce récit toutes les impressions causées et survenues à ce petit pioupiou, au cours de ce long voyage. Ne regardez pas l'écriture ni au style, car, l'auteur profite d'un moment de libre dans le courant de la journée ou le soir après l'exercice pour continuer son récit et quelquefois, c'est sur le pied de son lit ou sur le bord d'un banc et à genoux sur le parquet qu'il inscrit les événements survenus dans le cours de la journée.

Ceci dit je commence mon récit et croyez bien lecteurs ce qui vous fera connaître sans y avoir été un petit coin de la terre africaine

De Mamers à Marseille

      La caserne Gaoulois
La caserne Gaoulois

A la fin du mois de janvier 1899, le 4è Bataillon du 103è Régiment d'Infanterie en garnison à Mamers reçu l'ordre de quitter cette ville pour aller à Sidi-Bel-Abbès, province d'Oran (Algérie)

J'étais de ceux qui devaient s'expatrier de ceux qui devaient tout quitter pour aller vivre dans une région qui m'était complètement inconnue.

Il m'allait falloir quitter ceux que j'aimais le plus au monde, mes parents et amis qu'il me serait plus possible de revoir, avant de longs mois, d'interminables jours d'attente et peut-être de souffrances! Qui sait?

Nous partions du moment où la guerre semblait prête à éclater entre la France et l'Angleterre et je me demandais non sans un certain émoi si nous allions pas à notre tour faire le coup de feu et arroser de notre sang cette terre lointaine d'Afrique, encore si pleine de mystères.

Mais ce moment d'égoisme assez légitime au fond, Ne fut pas de longue durée, j'avais confiance en ma force et en ma jeunesse, et peu à peu j'envisager sous un autre jour cette Campagne d'Afrique.

Que de choses nouvelles j'allais pouvoir examiner à mon aise. Que daffaires bizarres parfois j'allais pouvoir étudier et donc je pourrais parler à mon retour. De sorte qu'à mesure que le moment du départ arriver, je prenais courage et j'aurais voulu qu'il soit arriver pour pouvoir examiner cette terre d'Algérie dont j'avais si souvent entendu parler.

Nous devions partir le 11 février mais le départ fut reculer d'abord au 12 finalement au 13.Un train spécial devait quitter Mamers pour nous emmener vers les côtes ensoleillées de la Provence. Le soir à l'heure nous étions tous descendus dans la Cour sac au dos prêts à partir. Tous nos camarades du régiment étaient là pour nous accompagner et échanger une cordiale poignée de main puis la Musique en tête nous quittons la caserne, nous commençons le voyage. Tout le long des rues que nous suivons la foule s'était amassée voulant assister au départ du 4è Bataillon et lui souhaiter bon voyage.

Aux abords de la gare nous avions de la peine à passer tellement l'affluence était grande. Enfin je partis et je m'assis auprès d'une portière car je voulais examiner le pays afin d'en conserver un bon souvenir.

Un coup de sifflet et le train s'ébranle au son de la Marseillaise pendant que du sein de la foule noire qui nous fait face s'élève des cris de Vive l'Armée, Vive le 4è Bataillon. Puis tout disparaît, la foule, la ville avec ses lumières car nous entrons dans la profonde tranchée du chemin de fer. Et je ne puis m'empêcher de murmurer" Au revoir Mamers, au revoir Camarades du 103è".

Le train roule maintenant et nous emporte à toute vapeur vers un autre pays, vers de nouveaux visages inconnus.

Loin d'essayer à m'endormir, je regardais le pays à chaque station car le temps était clair et la nuit fût très belle pour me distraire je me met en devoir d'inscrire toutes les stations que nous allons rencontrer sur le chemin. C'était une drôle d'idée direz-vous mais cela m'occuppait pendant ce temps le train filait. Bientôt je vois passer presque inaperçue de la gare de Mont-Cizot qui certainement me produit un certain effet puis nous arrivons au Mans, cette ville qui apparaît éclairant le ciel de ses mille feus. La nous prenons la ligne de Tours et la nuit nous continuons notre voyage.

Un peut avant d'arrivé à Tours, nous avons traversé la Loire et le fleuve se déroulait de chaque côté du pont comme un ruban d'argent. Au loin sur le quai les becs de gaz et les lampes électriques se miraient dans l'eau qui semblait parsemée d'étoiles.

Le spectacle était charmant à voir il se déroba rapidement à mes yeux. En quittant Tours le jour se mit à poindre et je pus peu à peu mieux examiner la région que notre train traversait.

On m'avait si souvent parler en termes flatteurs de la Tourraine (ce jardin de la France) que je voulais savoir moi même ce qu'il en était.

Une immense plaine s'étendait au loin couverte de riches vignes où de jardins superbes, des maisonnettes à l'aspect gagnet et ainsi de montrait ça et là au milieux de ce riches décors verdoyant.

Plus loin la Sologne avec ses étangs peu profonds, mais peuplés de poissons avec des canaux bordés d'une double rangée de peupliers se déroule à nos yeux. Tout en examinant ce panorama sans fin je pensais à ceux qui étaient déjà loin de moi et qui j'en suis sûr pensaient beaucoup à moi.

En arrivant à Vierzon le café nous attendait on la trouver bien bon et c'est à peine si nous avons eu le temps de peser un coup d'oeil sur les immences ateliers de batteuse mécanique car nous repartons en suivant la ligne du Bourbonnais bordée de Magnifiques côteaux couverts de vigne. Vers deux heures de l'aprés-midi nous regagnons la ligne de Paris Lion Méditerranée à Saint caize gentille petite gare nichée au milieux des montagnes. Puis notre convoi se remet en route traversant l'Auvergne, là un tableau ravissant s'offre à nos yeux. Dans le lointain les Montagnes des Cévennes se dressent avec leurs sommets estampée d'un gris bleuâtre, et l'autre côté sur la droite les monts d'Auvergne aux dômes arrondis.

Puis partout des maisonnettes toutes basses dont les toits rouges tranchent à ravir sur ce fond sombre, de temps en temps nous passons sous des tunels d'une longueur désespérante. Enfin vers 6 heures du soir le train entre en gare de Roannes ici un repas préparer par les soins du 98è Régiment d'infanterie nous attend, nous mangeons d'un bon appétit et de plus il faut prendre des forces en vue du voyage de nuit depuis longtemps déjà le soleil a disparu derrière les montagnes et il faut songer à repartir. Nous atteignons St-Etienne tout le long de la ligne se déroule devant nos yeux appesantis par le sommeil un spectacle inoubliable au loin des hauts-fourneaux en pleine activités rougissent le ciel avec leurs reflets embrasés on diraient un immense incendie.

Nous distinguons très bien à la lune blanches des coulée de fontes, des milliers d'ouvriers qui s'agitent en tout sens autours de ses brasiers. Je m'endort ensuite et je me réveille qu'à Valence, le temps de donner un coup d'oeil à cette magnifique ville et nous repartons pour Arles où nous arrivons vers 7 heures du matin. Nous entrons maintenant dans la Provence partout des arbres en fleurs, tels que des abricotiers des péchers des plantations d'oliviers dont le feuillage vert sombre tranche au milieu de ses fleurs roses ou blanches çà et là des rochers à pic dressent leurs flancs escarpés où sont accrochés de riches villages, sur notre droite nous voyons l'étang de Berre cet immense lac salé qui communique avec la mer Méditerranée.

De jolis voiliers dont les voiles blanches brillent au soleil sillonnent en tous sens, sur le sel des marais salants. Tout à coup notre train s'arrête au milieu d'une profonde tranchée encaissée de chaque côté par ces rochers. Notre machine est détracquée elle est obligée de nous laisser en panne aprés avoir fait de vains efforts pour repartir, heureusement qu'un train de marchandises qui passer sur l'autre voie s'aperçoit de notre détresse et demande du renfort à la gare de Miramas que nous venons de quitter, il y a quelques minutes. Un train de voyageurs venant derrière nous refoule jusqu'au Pas-des-Lanciers ou nous attendons pendant 2 heures une Machine de secours qui va venir de Marseille.

Nous repartons enfin quelques minutes aprés nous entrons sous le fameux tunel de la Nerthe qui a 6 kilomètres de long nous en sortons pour entrer dans la magnifique gare de Marseille.Un coup de clairon retentit nous descendons, sac au dos et en route pour la caserne. J'emploie le mot caserne par habitude car c'est un ancien hôpital des Incurables où nous allons loger et plutôt une masure peu engageante c'est là le point de refuge des troupes de passage et de retour venant des quatre coins du monde.On nous y case tant bien que mal dans des chambres tristes et nues; le confortable laisse bien à désirer car nous avons une paillasse pour deux. Le qurtier est consigné, mais je me trouve cependant le moyen de sortir grâce à mon adjudant, j'en ai profité pour faire une visite à la ville de Marseille. Mais j'en conviens c'est joli mais les grands boulevards de Paris sonts aussi gentils. Avant d'embarquer nous touchons des toiles de tentes, des couvres pieds et des ceintures de flanelle qui nous seront très nécessaires en Algérie. Vers 2 heures de l'aprés-midi le jeudi nous quittons la caserne des Incurables, non sans un grand soupir de soulagement pour nous diriger vers le quai de la Joliette où nous devons embarquer. Là de magnifiques Transatlantiques sont amarrés. Le nôtre "La Ville de Naples" nous attend, quand tous les colis sont arrimés au fond de la cale un coup de sirène retentit c'est le signal du départ.

Sur le quai une foule énorme s'est amassée pour nous voir, des mouchoirs s'agitent en guise d'Adieu. Peu à peu les hautes maisons semblaient s'éloigner notre-Dame-de-la-Garde elle même finit par disparaître et nous n'apercevons plus que l'eau à perte de vue.

                                                        "Au revoir terre de France"

La Mediterranée

Notre bateau file rapidement balotté par les vagues comme une coquille de noix. Tout le monde regarde avec attention ce spectacle nouveau si imposant.

Mais cela ne dure pas longtemps car le mal de Mer commence à faire des victimes. Beaucoup de mes camarades que je voyais encore tout à l'heure très gais donnent des signes d'inquiétudes et de malaises quelques-uns de mes compagnons de route ont non seulement souffert pendant trois ou quatre heures mais tout le temps qu'a duré la traversée c'est-à-dire pendant 37 heures. Mais moi heureusement je me suis aperçu de rien du tout. Je trottais d'un bout à l'autre du bateau tantôt je me risquais jusqu'à aller sur la pointe du bateau pour recevoir des paquets de mer qui venaient s'y briser tantôt je grimpais jusqu'à l'arrière et accoudé près du grand mât je me laissais bercer par le roulis et le tangage. Le Vendredi matin la mer qui n'avait cessée d'être tranquille se met en fureur par moment elle soulevait le bateau puis creusait une sorte de gouffre comme pour nous engloutir. Mais la "Ville de Naples" se relevait et se redressait fièrement au-dessus des flots écumants et semblait les défier.

Dans l'après-midi le soleil se décida à se montrer et à inonder de lumière toute cette masse d'eau bleue nous pouvions suIvre de l'arrière du bateau les courses folles des petits marsouins qui jouaient au milieu de l'écume hérissée des vagues; parfois, l'un deux s'élançait au-dessus de l'eau et l'on pouvait alors voir sa grosse tête noire ornée de petits yeux brillants. Vers midi un marin du haut de son poste d'observation signala 2 Transatlantiques se dirigeant sur Marseille. Pendant une partie de la journée, nous avons pu apercevoir les côtes d'Espagne et les îles Baléares sur la gauche. Puis la nuit se fit, nous enveloppant de ses ténèbres au milieu de l'immensité des eaux, qu'une nuit en mer et belle lorsque les étoiles brillent à profusion; c'est le calme entrecoupé seulement par les sanglots des vagues qui viennent mourir sur les flancs du navire. Enroulé sur le pont dans ma couverture, j'ai goûté dans toute sa plénitude de la beauté de ce magnifique tableau. Je me suis endormi ensuite, balancé par les flots dont le rythme berceur peupla mon rêve de chères visions. Vers 4 heures du matin je fus réveillé par les matelots qui commençaient l'appareillage nous étions bientôt à Oran dont on apercevait très bien les phares. Enfin vers 6 heures la"Ville de Naples" faisait son entrée dans le port et allait se ranger le long du ponton de la Compagnie générale Transatlantiques.A peine sommes-nous descendus que nous sommes littéralement bombardés de paquets de tabac de cigarettes de boîtes d'allumettes le tout à un prix incroyable de bon marché.En débarquant l'on nous apprend une nouvelle aussi inattendue que possible La mort du Président de la République Félix Faure enlevé à l'affection des siens et au respect de la nation entière par une congestion cérébrale. Tous les pavillons des bateaux de toutes les nationalités étaient en berne et voilés de crêpe en signe de deuil.

Après avoir absorbé un bon quart de café, nous remîmes sac au dos pour traverser la ville d'Oran et rejoindre la Caserne des Zouaves.

Oran

Les Nouvelles casernes
Les Nouvelles casernes

C'est au son de la musique des Zouaves que nous commençons à entrer dans la ville. Nous laissons en arrière le port pendant qu'une muraille de rochers à pics'élève devant nous. Tout en haut un fort se trouve perché dominant de cette hauteur la Méditerranée. Après avoir contourné un groupe de maisons, nous apercevons la ville d'Oran coquettement posée sur le haut d'une colline, et à demie enfoncée dans une végétation toute exotique. De magnifiques villas émergent ça et là du sommet d'un bouquet de palmiers, on dirait des nids.Sur notre passage une foule curieuse et sympathique se pressait et souriait en examinant nos figures fatiguées. Et sous ce soleil brûlant l'ascension nous semble interminable, au ....c'est avec un soupir de soulagement que nous arrivons à la Caserne saint Philippe où le 107è est actuellement caserné. Là un bon déjeuner nous attend, nous nous empressons d'y faire honneur puis ce devoir accompli je suis allé me reposer dans la cour d'où la vue peut embrasser un panorama splendide.

                               Devant nous à perte de vue s'étend la mer, les vagues bleues miroitent au soleil pendant qu'elles soulèvent et ballotent gracieusement les petites barques des pêcheurs. Parfois on aperçoit à l'horizon un mince filet de fumée, c'est un transatlantique qui passe en vue des côtes. J'ai assisté au départ de plusieurs de ces grands navires qui se rendaient, les uns en Espagne, les autres en France. Ils quittaient lentement leur quai d"embarquement, suivaient le chenal puis s'en allaint en pleine mer au milieu des tourbillons de fumée. J'ai vu également l'arrivée de ce "Nautibes" au trois mâts Espagnols, c'est un voilier où sont embarqués les élèves gabiers. Avant de franchir la passe il salua ce coin de terre devenu français par une salve de 21 coupsde canon à laquelle le port de saint-Philippe répondit par 21 autres coups.

Je ne puis guère parler plus longuement d'Oran, car je n'ai pas visiter la ville, le quartier étant consigné. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'elle est bâtie dans une région montagneuse et très accidentée. A quatre heures du soir nous quittons la caserne pour prendre le train qui devait nous emmener à Sidi-Bel-Abbès.

La musique des zouaves nous y conduit notre passage dans les rues est le prétexte d'une touchante manifestation patriotique. Ce ne sont que les cris répétés de Vive le 103è Vive la France; Vive l'armée; A bas les Juifs...Les voitures, les tramways électriques( tramelecs) sont arrêtés et beaucoup de têtes se découvrent sur le passage des Petits soldats de France.

                                            Mais tout a une fin si la ville d'Oran s'est mise en frais et nous a bien reçus, la Compagnie du P.L.M.Algérien nous a réservé des vagons à boeuf pour nous transporter.

             Nous nous en consolons facilement à la pensée que dans 6 heures, notre voyage sera enfin terminer, et que nous pourrons goûter un  repos bien mériter. Au Tlélat une halte repas à lieu nous prenons nos provisions, et nous nous installons sur l'herbe dans l'espoir de manger tranquillement, et à notre aise, mais nous ne tardons pas à être entourés par de nombreux arabes qui veulent faire du commerce avec nous. Ils arrivent d'abord timidement par bande de deux où trois,car ils sont désorientés en voyant nos uniformes qu'ils ne connaissent pas puis ils s'enhardissent en voyant notre accueil encourageant. Ils nous vendent de tout oranges, mandarines, figues, dattes, vin, pain, viande,ect....Bientôt toutes leurs provisions sont épuisées.

Ils s'en retournent au village, puis rapportent à toutes jambes ce qu'ils ont pu trouver. J'ai bien ri, en entendant la réflexion d'un petit négrillon qui vendait des journaux, comme je lui demandais combien valait son journal, il me répond: "Moussu, moussu, Achète écho d'Oran. Le Président de la République, il est mort". Puis nous repartons, nous traversons une région complètement inculte, coupée de profonds ravins et sillonnée de collines assez élevées. Parfois nous apercevons quelques arabes qui nous font des grimaces, c'est peut-être leurs manières de dire bonjour qui sait? Enfin vers 10h 1/2 du soir un long coup de sifflet nous annonce que nous sommes arrivés? Dans la nuit des milliers de lumières indiquent que Sidi-bel-Abbès est là devant nous.

La musique du 1er Régiment étranger nous attend sur le quai, et se met à jouer le morceau que nous aimons bien: " Le Régiment de Sambre et Meuse". Puis la municipalité offre des bouquets à notre Colonel que tous les Officiers de la garnison sont venus saluer. Peu a peu nous sortons de la gare pour nous acheminer vers la Caserne, où nous voudrions être conduits car nous sommes vannés. Nous traversons une haie compacte de curieux. Il y en a de toutes les couleurs, blancs, jaunes, et nous; et de toutes les nationalités. Partout les mêmes cris qu'à Oran mais plus nombreux. Sur notre passage on allume des feux de bengale qui éclairent d'une façon bizarre toutes ces figures qui se pressent pour nous voir? A la Caserne, des chambres ont étée aménagées pour nous recevoir, des lits et un bon repas nous attendent. J'ai mangé un peu, j'ai bu un quart de café et je n'ai pas tardé à m'endormir profondément.

Sidi-Bel-Abbès

Campagne autour de Sidi-Bel-Abbès
Campagne autour de Sidi-Bel-Abbès

Le dimanche matin le soleil brillait déjà depuis longtemps quand je me suis réveillé. Sitôt habillé je suis descendu pour examiner ma nouvelle demeure. La Caserne que nous occupons est disposée de la même façon que la caserne Gaulois à Mamers, elle se compose de trois grands corps de bâtiments, où sont logé les 4è Bataillons du 101 et du 103 ainsi que le 5 Bataillon du 1er Régiment Etranger. La cour qui est très belle est entourée par une double rangée d'arbres, qui commencent à reverdir, et qui ombragent en été l'allée intérieure. L'infirmerie, les cantines, les cuisines et le lavoir sont situés sur les derrières.

Voici en quelques mots la description de notre caserne que je me suis amusé à visiter en attendant l'heure de la sortie. Bien que ce soit aujourd'hui dimanche les portes du quartier ne s'ouvrirons pour nous laisser sortir que ce soir à 5 heures. Pour nous faire prendre patience la municipalité nous fait distribuer à chacun dans la matinée deux paquets de cigarettes fines un paquet de tabac de 50 grammes, deux boîtes d"allumettes des cigares et du vin. Voilà une idée charmante de la part de la municipalité etde toute la ville. Nous nous rappellerons longtemps de l'acceuil que nous avons eu ici. A six heures juste je sors avec un de mes camarades et nous voilà partis, heureux de pouvoir jouir de nos quelques heures de liberté. Au cours de notre promenade en ville bien des surprises agréables nous sont réservées. Pour la première fois nous voyons à notre aise des quantités d'arabes. Ils sont généralement très grands et bien taillés ils s'en vont dans les rues sans but déterminé, ils promènent leur paresse au soleil car la plupart d'entre eux ne travaillent pas ce sont leurs femmes qui subviennent à leurs besoins. L'arabe va raement seul, il aime la société. Aussi es-ce par bande de 5 ou 6 et même plus qu'on les vois circuler.

Il est toujours armé d'un gros gourdin (sa matraque) comme il l'appelle arme bien redoutable dans une main bien exercé comme est la leur. L'un d'eux à qui je demandais pourquoi il portait toujours un bâton me répondit pourquoi porte-tu ta baïonnette, toi. La réponse était sans réplique et m'indiquait suffisamment que la population indigène n'était soumise encore que par la force et que les arabes n'avaient pas encore pris tout à fait leur parti de se soumettre.

Il faut cependant leur rendre justice ils sont hospitaliers et la plupart d'entre eux vivent en tès bonne intelligence avec les Européens. Pour continuer la suite de surprises je vais parler de bon marché extraordinaire des boissonset liqueurs à Sidi-Bel-Abbès comme dans toute l'Algérie on y boit que du vin, la bière y est peu consommée et le cidre est inconnu. Le vin est bon et ne vaut que 4 et 5 et 6 sous le litre, il est même un peu trop alcoolique car il suffit d'en absorber une bouteille pour se sentir en gaieté.

Entrons-nous dans un bar c'est le nom local des débits de boissons et faisons-nous servir une liqueur quelconque:Sarsa, Orgeat, grenadine, rhum ou menthe, quend le moment sera venu de solder, nous serons très étonnés d'apprendre que la consommation ne vaut que 10 centimes le verre décidément Bel-Abbès est non seulement le paradis des fumeurs mais aussi celui des buveurs. Après avoir bien marcher à travers les rues de Bel-Abbès nous commencions à avoir faim et nous avons décidé d'aller manger à l'hôtel que nous avons eu peine à trouver car si les bars sont en garnde quantité, les hôtels ne sont pas de même. Celà tient sans doute au grand nombre de débits de comestibles de toutes sortes. Nous allons à l'hôtel de l'Etat près de la porte de Mascara tenu par des Espagnols. Nous nous asseyons à une table recouverte d'une nappe blanche et sans avoir échangés un seul mot avec les patrons l'on nous apporte une série de plats qui composent le menu du jour.

Pour commencer nous sommes un peu désorienté car nous somes peu habitués à la cuisine espagnole qui veut que chaque mets quelqu'ilsoit, soit assaisonné d"ail nous faisons un excellent dîner pour 1F 25.

La vie est bon marché ici, les fruits tels que oranges, mandarines, dattes, figues, ect...que nous payons très cher en France se vendent presque pour rien. 

Il est vrai qu'un mouton ne vaut que 10F et un boeuf 30 ou 50F. Seulement la viande de ces animaux est très inférieure à celle des animaux de notre pays. La ville de Bel-Abbès compte à peu près de 25 à 30 mille habitants en y comprenant la population des faubourgs. Elle est située au milieu d'une immense plaine malsaine entourée de tous les côtés par des montagnes. Une petite rivière la  Mekerra la traverse, une partie de l'eau jaunâtre qui y coule sert à l'alimentation de nombreux canaux d'arrosage. Quand à la ville, elle est divisée en plusieurs quartiers bien distincts:

1° La ville proprement dite ou quartier militaire

2° Les faubourgs environnants qui sont:

    Le faubourg Marceau

    Le faubourg Bugeaud

    Le faubourg Thiers

    Le faubourg Négrier

    Le faubourg des Palmiers

Les deux derniers sont surtout habités par des espagnols, le faubourg Marceau par des arabes et le faubourg Bugeaud par un mélange d'arabes, de marocains et de Juifs.

La ville de Bel-Abbès est donc un peu cosmopolite on y entend à peu près parler toutes les langues sauf le français qui y est peu employé. Le quartier militaire qui est le plus beau comme son nom l'indique renferme les casernes des différents corps: Spahis, Tirailleurs Algériens, Légion Etrangère et les 4è Bataillons du 101 et du 103 d'Infanterie. C'est aussi le quartier commerçant et civilisé, on y trouve quelques beaux monuments comme le Palais de Justice et le Théâtre. Il y a aussi des magasins assez conséquent mais ici comme dans la plupart des villes Algériennes ce Sont les Juifs qui tiennent le haut commerce, et accaparent l'or qui est très rare. Ils paient une pièce d'or de 20F...

Passons maintenant dans les bas quartiers qui sont complètement séparés de la ville par un rempart rectangulaire entouré de fossés profonds et quatres portes gardées chacune par un poste militaire. Il y a la porte d'Oran, de Tlemcen, de Marcara et de Daya permettent seules à sortir de la ville et de communiquer avec l'intérieur. Ce système de défense qui n'a plus guère lieu d'exister date de la première occupation de Bel-Abbès par les Français c'est-à-dire vers 1850. Une partie du faubourg Bugeaud est encore à moitié passable surtout autour de la magnifique mosquée dont le minaret surmonté d'un croissant, s'élève d'un seul jet surplombant tous ces gourbis qu'il semble protéger. C'est du haut de ce minaret que le Muezzin vient quatre fois par jour inviter les fidèles à la prière. Le Muezzin est là-haut à son poste d'observation et agite ses grands bras tout en psalmodiant à haute voix la prière du prophète. Pendant ce temps tous les arabes se prosternent du côté du soleil et le front dans la poussière ils répètent chacun pour leur propre compte la pantomine exécutée par leur prêtre. Le plus comique c'est qu'ils ont quitter pour la circonstance leurs sandales, mais quand il s'agit de les reprendre il y a souvent des discussions qui se terminent par des coups de matraque.

Les arabes sont en général assez propres dans leurs vêtements. Ils ne se lavent guère que les pieds qui sont l'objet de fréquentes ablutions ainsi que le prescrit la loi Mahomet à ses croyants. Un mot pour continuer sur le village nègre qui est une dépendance du faubourg Bugeaud, c'est là le refuge des déclassést des misérables de toutes les races, l'on y trouve de tout, depuis la courtisane éhontée jusqu'aux lépreux et assassins. Quelles bouges enfumés et puantes. Quelles rues boueuses. Il ne faut pas se hasarder seul la nuit en ce passage car l'on est pas sûr d'en sortir vivant. La matraque est là qui guette sa proie et la Mékéra est là toute prête à recevoir sa nouvelle victime.

Nous y allons que par bandes de 6 ou 7 en examinant chaque coin de mur chaque renfoncement suspect. Par curiosité, j'ai voulu voir ce que c'était. J'ai vu tout ce que la débauche peut présenter de plus infâme et de plus dégoûtant.

Des femmes de tous pays, surtout des espagnoles et des mauresques tatouées sur la figure et les mains, se chauffent devant un braséro. Quand on se retire de cet endroit infect l'on sent un soulagement immense car ces murs écroulants suent le vice et le crime. Depuis quelques jours ce quartier est consigné, aussi cela va sans dire que cela ne me dérange pas du tout, que je ne veux pas du tout me promener dans ce quartier dangereux. Puisque j'en suis au chapitre des femmes je vais m'y étendre un peu plus et rendre justice à certaines qui sont assurément dignes de respect. La population féminine de Sidi-Bel-Abbès peut être rangée en deux catégories:

1° Les femmes d'origine européenne. 2° Les femmes arabes ou mauresques mouquaires. Les Européennes sont presque toutes espagnoles ou françaises et sont généralement assez jolies avec leurs habits aux couleurs voyantes. Je ne peux pas en dire autant des arabes qui sont tatouées au visage et aux pieds. Ce tatouage dénature leur physionomie. Pourtant certains arabes aux teints laiteux gardent une grande beauté, mais ce sont de rares exceptions. A partir de 15ou 16 ans, elles commencent à se déformer et perdent le peu d'élégance native qu'elles possèdent dans leur jeunesse. La mouquaire n'est pas l'égale de l'homme. Elle vit dans un état constant de servitude et presque d'esclavage. Ce qui est déplorable, elle fait partie de ce qui constitue la richesse de son seigneur et maître.

La femme arabe ne doit pas laisser voir son visage aux européens elle de drape quand elle aperçoit un de ces chiens ce chrétiens (comme elles nous appellent).

Ici cette coutume n'est cependant pas rigoureusement observer car j'ai eu l'occasion d'examiner certaines mouquaires il est vrai qu'il n'y avait aucun arabe dans le voisinage sans quoi elles auraient immédiatement fermé leur voile ne lissant qu'une toute petite ouverture en face d'un oeil. Les femmes arabes sont complètement vêtues de blanc, quand elles sont jeunes elles sont coquettes et aiment les bijoux; elles ornent leur tête d'une sorte de bonnet pointu couvert de dorures et de rubans violets.

Celles qui sont aisées portent des anneaux d'argent aux pieds. Pour chaussures elles se servent de sandales plus ou moins luxueuses quand elles ne marchent pas pieds nus.

C'est elle qui doit cultiver la terre et prendre soin des animaux. C'est affreux de voir ces pauvres femmes servir à proprement dire de bêtes de somme. J'ai vu plusieurs fois des malheureuses ployer sous le poids de leurs lourds fardeaux pendant que le mari suivait portant seulement sa matraque. L'arabe a généralement plusieurs femmes on peut même évaluer la fortune d'un de ces indigènes au nombre plus ou moins grand de femmes qu'il possède. Plus il en a plus il est riche, la raison s'applique d'elle-même quand on sait que le mari achète ses compagnes.

Je vais vous parler un peu de la cérémonie du mariage qui est assez bizarre. Quand un jeune homme désire prendre une femme il en fait part à ses parents. Ceux-ci se mettent à la recherche d'une jeune fille dont la situation répond à leurs exigences et débattent le prix d'achat avec ses parents le prix varie beaucoup suivant la beauté du sujet généralement il est compris entre 50 F et 600 F. Après beaucoup de pourparlers le marché est conclu et le fiancé, si on peut l'appeler ainsi, se dispose à prendre sa marchandise.

Il monte sur son plus beau cheval et suivi de ses camarades il se dirige vers la demeure de celle qui va être sa femme et qu'il ne connait pas encore. Ici la note comique s'en mêle le jeune homme l'enlève et met à côté de lui sur la selle de son cheval celle qu'on lui désigne et s'enfuit au galop. Les parents de la nouvelle épousée qui guettent ce moment sortent de tous côtés et se précipitent sur les traces des ravisseurs en poussant des cris aigus. La poursuite cesse quand celui-ci leur jette le prixd'achat convenu.

Alors tout le monde est devenu d'accord; on profite de la joie générale pour faire une sorte de cavalcade autour du village et le tout se termine par le festin, le mariage est conclu mais non d'une façon définitive, si au bout d'un an il n'est pas né un enfant de cette union, le mari renvoie sa femme chez ses parents. Le divorce est ainsi prononcé.

 

 

Dans les rues de Bel-Abbès

Le quartier arabe
Le quartier arabe

Si on veut se rendre compte de la population juive ( Bel-Abbèsienne) l'on a qu'à faire une promenade le samedi dans les rues de Bel-Abbès. C'est le jour du sabbat où toutes les boutiques juives sans aucune exception sont fermées. Toutes la tribu d'Israël est en liesse et l'on peut voir les bons poupins en habits de fête se promener à pas comptés conversant à voix basse entre eux. Que peuvent-ils se dire ainsi patibulaires ils parlent sans doute de leur bedide gommerce, petit commerce; peu à peu l'on s'habitue à leurs manières et l'on n'y prête qu'une attention très limitée.

Je laisse la question juive qui ne présente aucunement d'intérêts, pour passer à une autre celle du café maure.

Par curiosité pénétrons donc dans un de ces établissement où l'on en consomme. Ce n'est pas luxueux comme dans les cafés Français mais ici c'est le moment de citer ce vieux proverbe: "Ce n'est pas l'habit qui fait le moine".

Des bancs plus ou moins élevés servent les uns de tables, les autres de sièges. Dans un coin une étagère avec des tasses de diverses grandeurs  dans l'autre le fourneau.

Une fois la consommation commandée le patron, un grand arabe, va le préparer, car il n'y a jamais une goutte de café de fait à l'avance. Dans une petite tasse il verse la quantité de café voulue et du sucre, remplit avec de l'eau chaude, il fait bouillir 3 fois ce mélange et aromatise cette liqueur avec quelques gouttes de fleur d'oranger et sert le café. Ce qu'il vous a servi ainsi est délicieux, il est vrai qu'il y a le marc mais il faut tout absorber; c'est parait-il souverain contre la fièvre. D'ailleurs l'on s'y habitue facilement et le marc est moulu tellement fin que l'on s'en aperçoit à peine en le buvant. Puisque je suis aux coutumes arabes je ne veux pas oublier les galettes qui se rapportent beaucoup par leur goût et leur fabrication à nos beignets français. Pour les manger on les trempe dans du miel. C'est vraiment exquis aussi je vais souvent en manger. La maison arabe où elles sont fabriquées revient à peu près au café maure. Le patron s'occupe du cousse-cousse qui est le met de prédilection des arabes, leur mets national, c'est un mélange de semoule de viande et de piment. Le tout arrosé de sauce tomate ou de safran. L'on m'a dit qu'il fallait y être habitué depuis l'enfance pour en manger.

Jusqu'à présent malgré toute mon envie de me mêler à la vie des indigènes je ne me suis pas encore résolu d'y goûter mais j'espère le faire avant de m'en aller.

Une autre chose qui mérite d'être vue et surtout d'être entendue c'est le concert arabe. Les musiciens se réunissent dans un café tout au fond de l'établissement et s'installent sur une table à la façon des tailleurs; ils sont au nombre de 6 ou 8. Leurs instruments très primitifs ont des formes bizarres, ils en tirent des sons monotones et très énervants. La danse consiste en une sorte de sautillement sans aucune variété, et sans attraits surtout pour nous qui avons des danseurs perfectionnés en France il est vrai que je ne parle pas de moi.

Les danseurs semblent magnétisés par cette musique, ils ne regardent que les musiciens qui accélèrent la cadence. jusqu'à ce que les danseurs tombent complétement épuisés de fatigue. Les arabes mettent une énergie peu commune dans toutes leurs danses pour qu'ils ont une passion folles.

                       Ces photos m'ont été envoyées par Jeannine LAGADEC.

Promenades et distractions

Bel-Abbès, étant une ville à moitié arabe et espagnole nous y sommes pas étonnés de retrouver ici les traces de plaisir de nos voisins d'au-delà des Pyrennées. C'est ainsi que nous avons des arênes comme à Nîmes au moyen-âge. Les arênes se dressent sur le sommet d'une colline assez élevée, le mamelon; elles forment un massif circulaire de mâçonnerie sans aucun art d'architecture. Des gradins ont étés aménagés à l'intérieur avec une piste au centre. Les courses de taureaux sont peu fréquentes ici, deux ou trois fois par an seulement. Il est probable qu'il ne sera pas possible d'y assister car elle n'ont lieu parait-il que vers le mois de septembre; et probablement que le 4è groupe de marche sera rapatrié avant cela. D'ailleurs ce jeu barbare n'aurait certes pas le don de m'intéresser.

Je préfère aller faire une promenade au jardin public. Pour une petite ville ce jardin est vraiment bien, il renferme de jolies choses qui méritent être regardés; ce sont d'abord les magnifiques allées bordées de chaque côté par de grandes branches dont les arbres s'entre croisent au-dessus de la tête des promeneurs et forment en été une voûte de verdure.

Sur les gazons des plantes grasses et aquatiques au feuillage tendre vont d'ici quelques jours entre ouvrir leurs fleurs aux couleurs délicates.

Puis à travers les fûtaies, dans les brindilles, les nids vont se construire par milliers, certains arbres en sont réellement peuplés, témoins de nombreux vestiges de nids de la saison dernière.

D'endroit en endroit des curiosités ont été placées pour le plaisir des yeux.

Deux jolies statues en marbre blanc, émergent d'un massif de verdure, pendant que des rameaux de lierre grimpant à l'assaut de leur socle de granit.

 

Le Marché Arabe

Tous les jeudis le marché arabe a lieu: c'est un spectacle qui ne manque pas de pitoresque, ni d'imprévu. Dès le matin l'on voit arriver de toutes les directions de petites caravanes ayant un cachet particulier. Représentez- vous de grands arabes presque des géants montés sur de tous petits ânes, de sorte que les jambes du cavalier touchent à terre, s'il ne prenait la précaution de les balancer dans toutes les directions. Certains d'entre eux prennent des mulets ou des chameaux. Le mot bête de somme n'est pas de trop car ces pauvres animaux portent des fardeaux qui paraissent énormes pour eux. En effet il n'est pas rare de voir montés sur la même bête un homme parfois avec une ou deux femmes sans compter des paquets et des sacs de de toute nature. Mais cela ne fait rien, l'équipage marche quand même, grâce aux coups de matraques qui ne sont pas ménagés. Une fois arrivés sur la place du marché, les arabes montent leurs tentes et y installent leurs marchandises puis attendent leurs acheteurs. Peu à peu ceux-ci arrivent et on commence à entendre d'interminables conversations. Il arrive souvent que les conversations s'animent et que pour une différence de quelques centimes les arabes en viennent aux injures et si cela ne suffit pas ils administrent une tournée de giffles ou de coups de matraque.

Les agents accourent et mettent d'accord les belliqueux marchands, les scènes se renouvellent à chaque instant et pour des motifs si futiles qu'on y prend guère d'attention.

Mouley-Abd-El-Kader

C'est aujourd'hui dimanche 26 mars 1899 jour de sortie pour les petits fantassins. Aussi nous en profitons pour quitter la caserne aussitôt après déjeuner pour aller faire une promenade à la campagne. Le but que nous proposons d'atteindre est le village de Mouley-Abd-El-Kader,comme il est consigné à la troupe, c'est une raison pour que nous y allions plutôt qu'ailleurs.

Le village n'est pas à plus de deux kilomètres de Bel-Abbès mais les environs méritent qu'on y risque une excursion. Il est le centre d'importantes briqueteries dont les ouvriers sont presque exclusivement recrutés parmis les Espagnols. Outre les maisons de ces ouvriers et les fours à cuissons on rencontre quelques gourbis infectes où l'on voit grouiller pêle-mêle des petits cochons noirs et de nombreux petits arabes. En remontant sur les bords de la Atékéra, l'on aperçoit sur la droite et sur le sommet de ses collines le marabout de Mouley-Abd-El-Kader c'est un monument très simple élevé par les arabes à la gloire de Mahomet, tout autour se trouvent de nombreuses tombes. Les tombeaux arabes défiant beaucoup des nôtres, l'on y trouve pas ses monuments plus ou moins luxueux, ornés de couronnes et de fleurs, comme l'on voit dans nos cimetières, l'emplacement de chaque sépulture est faite par des pierres rangées et blanchies à la chaux.

Les tombeaux des marabouts ou prêtres car, c'est ainsi qu'on les appels sont un peu plus importants. En plus du cercle de pierres qui entourent les tombent de simples arabes il y a des bâtons plantés en terre et auxquelles sont attachés des étoffes aux couleurs verdoyantes.

Les morts sont enterrés sans cercueil ils sont simplement envellopés dans leurs effets et descendent dans la tombe. Rien de plus curieux d'ailleurs que ces enterrements arabes. Le cortège est dirigé en deux parties les femmes en avant et les hommes en arrière, le corps du défun est au milieu enfermé dans une grande boîte verte portée sur les épaules des quatre solides gaillards, les femmes font entendre une sorte de prière monotone et nazillarde. C'est surtout le soir au soleil couchant lorsque la nuit commence à descendre qu'il faut voir ces enterrements avec leur longue file de burnous blanc, qu'ils semblent glisser comme des fantômes. On s'inclinent devant ce mort qui passe et l'on se sent tout ému en regardant ces funérailles d'une simplicité vraiement antique.

Comme je parle d'enterrements, je vous direz que la mort vient de faire une victime de plus en enlevant un de nos compagnons d'armes, le soldat Renaud de notre compagnie décédé hier à l'hôpital militaire dans l'après-midi. Nous l'avons conduit aujourd'hui à sa dernière demeure, rendant ainsi les honneurs suprêmes à notre camarade qui était jeune soldat arrivé au Régiment du mois de décembre dernier. Comme ils sont tristes ces enterrements loin du pays natal pas un parent pour accompagner celui qui disparaît faucher en pleine jeunesse au moment où la vie commence à lui sourire.

Mais la destinée a ses cruautés, et nous ne pouvons que nous incliner devant sa loi si dur qu'elle soit...

Avant de quitter le cimetière, notre Capitaine à voulu adresser un dernier adieu sur cette tombe qui allait se refermée pour toujours. Voici en quelques mots l'allocution qu'il a prononcée?

Messieurs avant qu'on descende Renaud dans la tombe je tiens à vous remercier d'être venu accompagner celui que nous pleurons aujourd'hui, votre camarade. Renaud était un jeune soldat arriver au Régiment depuis l'année dernière, qui a été très courte, mais je puis dire que Renaud était un bon soldat.

Adieu Renaud! Adieu !Nous avons ensuite quittés où nous avons laisser un bon Camarade.

La vie de garnison

La vie de garnison que nous menons aujourd'hui n'est pas bien gaie; le service est dur et plus pénible qu'en France à cause de la chaleur et de la mauvaise nourriture que fournit l'ordinaire.

Le troupier qui n'a que sa gamelle à manger pour vivre est souvent obligé de serrer sa ceinture d'un cran pour oublier qu'il a mal dîner, je suis souvent obligé d'aller faire un tour à la cantine afin de renforcer un peu le repas.

Nous vivons à peu prés en commun avec les légionnaires et jusqu'à présent nous n'avons pas fait trop  mauvais ménage ensemble.

Chaque matin nous allons à l'exercice sur un immense champ de manoeuvre dont l'horizon est limitée au nord par une immense chaîne de montagnes dont la plus élevée celle du Tessalah se trouve à une distance de vingt kilomètres.

La soirée est souvent consacrée à des exercices de théorie pratique sur l'appréciation des distances en plus des cours. Chaque jour succède au précédent et de temps en temps de fausses nouvelles de départ circulent colportées par les uns et par les autres le départ est toujours à l'ordre du jour. C'est le sujet habituel de nos conversations aux heures de repos, chacun émet une opinion, fixe une datte assez proche généralement et soutient avec conviction de ce qu'il avance. Mais tout cela il n'y a rien de certains ce ne sont que des rapports de cuisiniers ou d'infirmiers comme nous disons!

Toujours est-il que nous sommes toujours là ne sachant nullement quand nous repartirons en supposant que nous retournions en France?

Le Tessalah


J'ai déjà dit plus haut la ville de Sidi-Bel-Abbès est au milieu d'une grande plaine entourée de montagnes plus ou moins élevées. Au nord ouest de la ville, il est une qui est beaucoup plus haute que les autres et dont le sommet domine de beaucoup plus que les montagnes environnantes. Comme on ne peut pas sortir de la ville sans voir cette immense hauteur et qu'elle nous paraît être à plus de quatre kilomètres j'avais souvent la pensée d'aller y faire un voyage. Un dimanche, je me suis donc décidé d'y aller accompagné de plusieurs de mes camarades.

Nous nous dirigeons vers la montagne il nous a fallut marcher pendant 4 heures pour pouvoir y arriver; nous approchions cependant de notre but mais à mesure que nous avancions la montagne semblait s'éloigner.

Mais loin de perdre courage nous continuons toujours notre route au milieu des palmiers, rencontrant seulement quelques Arabes occupés à piocher et à défréchir cette terre encore inculte à quelques endroits.

Enfin nous quittons la route pour prendre un autre sentier qui communique vers la montagne.

Là, nous sommes véritablement dans un vrai paysage sauvage; arrivés à peu prés à mi-côte, nous rencontrons un camp d'Arabes. C'est ce qu'on appelle une tribue. Une dizaine de tentes sont là dressées dont sortent des Arabes de tout côté nullement civilisés, les aboiments des chiens et les cris de tous ces bicots nous empêchent presque d'approcher car nous sommes que trois militaires et le plus proche est Sidi-Bel-Abbès qui est à 20 kilomètres. Nous voulons enfin monter jusque sur le sommet et nous voyons pas loin de ces tentes arabes quelques veaux de lait coucher sur le bord de la montagne au milieu de quelques broussailles. Il faut s'arrêter souvent pour respirer car c'est dur de grimper au milieu des rochers et à travers les plantes sauvages qui couvrent cette hauteur. Nous arrivons enfin à notre but. On se repose un peu et on visite les curiosités qui s'y trouve: sur un des pics un marabout s'y trouve sur un autre une vieille glacière en ruine.

Une immense plaine s'étend de l'autre côté. On aperçoit Oran et la mer Méditerranée au sud. On voit aussi deux lacs salés, je ne peux pas citer bien autre chose d'intéressant.

Maintenant il nous reste plus qu'à redescendre vous me direz que ce n'est pas le plus difficile mais c'est comme à la mode des chats on grimpe mieux qu'on ne redescend. Ce n'est pas chose facile que de descendre car on va souvent plus vite qu'on ne voudrait. Nous ne sommes pas descendus sans faire quelques culbutes. Comme nous sommes fatigués et qu'il fait pas grand chaud nous nous dirigeons vers une ferme située au loin de la montagne habitée par des colons espagnols, ils nous font bon accueil nous demandons un litre de vin qui était doux et bon. Comme ce n'était pas beaucoup d'un litre car nous avons grand soif nous demandons un autre litre, ce vin était surement le meilleur que j'ai jamais bu jusqu'ici à Sidi-Bel-Abbès. On demande ce qu'on doit le patron de la ferme nous répond qu'il nous le donne. Il était à ce moment 3 heures de l'aprés-midi il fallait retourner à Bel-Abbès et l'on commençait à en avoir assez du voyage. Il nous fallait cependant faire la route à pied nous prenons toujours courage et peu à peu nous arrivons à Sidi-Bel-Abbès.

Nous rentrons ensuite au quartier satisfait de notre voyage quoique bien fatigués.

Beaucoup de mes camarades qui y étaient partis pour y aller, sont revenus sans pouvoir atteindre le but de leur projet.

 

La Mouna

La mouna, brioche traditionnelle oranaise
La mouna, brioche traditionnelle oranaise

Chaque année le lundi de Pâques toute la partie ouest de l'Algérie est en fête. Ce jour-là personne ne travaillent chacun s'en va à la campagne fêter la mouna du nom d'un gâteau préparé d'une façon particulière et spécialement pour cette occasion. La mouna est une fête nationale que les Espagnols ont importé de leur pays dans le département d'Oran. Comme ils sont très nombreux dans cette région, ils ont fait contractés toutes leurs habitudes aux autres Européens qui vivent en contact avec eux. C'est la loi des puissants. Dès le lundi matin de bonne heure de nombreuses familles quittent la ville les unes à pied, les autres en voitures, emportant des provisions pour la journée, en ayant soin de ne pas oublier la précieuse mouna. Peu à peu les boutiques se ferment et bientôt la ville se trouve abandonnée; faisons comme tous ces heureux et allons faire un tour dans la campagne nous pourrons examiner un spectacle tout à fait imprévu du moins original.

Les Mouneurs se sont installés un peu partout le long des routes, des sentiers, des ruisseaux dans les endroits où les arbres peuvent les abriter de l'ardeur du soleil. Sur une nappe improvisée ils ont déballé et installé toutes leurs provisions.

La gaieté rayonne sur tous les visages, chacun s'est débarassé du moins pour quelques heures de souci de la vie ordinaire. Il passe dans l'air des frissons qui font briller tous les yeux et qui mettent des baisers sur toutes les lèvres. Le dîner se traîne en longueur entrecoupé de joyeux éclats de rire.

Le bon vin coule à flots glissant une douce ivresse dans toutes ces têtes folles.

Comme les Espagnols sont grand amateurs de musique ils n'ont eu garde d'oublier leurs mandelines et leurs guitares car les concerts sont le complément obligé de toutes fêtes. Ils se réunissent formant de petits groupes au centre duquel se place les musiciens qui accompagnent les chanteurs. Rien de plus joli que ces choeurs à deux ou trois où la voix claire et douce des femmes se mêle à celle plus grave des hommes.

De temps en temps les danseurs se mettent de la partie, c'est la farandole au rythme rapide et léger qui s'éxécute au son des castagnettes et du tambour de basque.La fête se termine par une sorte de cavalcade.

Les voitures qui ont été décorés avec des feuillages et des fleurs champêtres rentrent en ville à la suite les unes des autres chacun rivalise d'entrain et de bonne humeur; les chants, les éclats de rire se mêlent au son des mandolines, aux bruits de cette foule joyeuse qui ne pense qu'à s'amuser?

 

Les Légionnaires

La maison mère, à Sidi-Bel-Abbès
La maison mère, à Sidi-Bel-Abbès

Voici quelques notes sur les légionnaires notes que j'ai prise au jour le jour et qui va me permettre de m'étendre un peu plus sur la vie de ces aventuriers.

Presque tous les hommes qui viennent à la Légion y sont poussaient par leur goût des grandes entreprises mais la caserne démolie leurs beaux rêves et en fait rapidement des résignés et des déçus.

Ce sont en général des gens simples qui viennent chercher l'occasion de donner satisfaction à leurs besoins de mouvement. Leurs poings et leurs jambes sont de fortes machines qu'on emploie indifféremment au feu et à l'exercice.

Une expédition lointaine se préparet'elle vite on les envoie et ils partent sans regret, allant offrir leurs poitrines aux balles ennemies.

La vie de caserne n'est guère leur élément, ils s'y ennuy pensant toujours à de nouvelles aventures rêvant à des horizons nouveaux.

A côté de ces rumeurs il y a une autre catégorie de légionnaires qui sont venus ici pour cacher quelques erreurs et mener une autre existence.

Ils comptent de nombreux officiers français capitaines de cuirassiers, lieutenants de chasseurs à pied, soldats de toutes armes accourus par nécessité. La mort en rehabilite quelques-uns et ceux qu'elle épargne s'en vont sergent, s'ils ont eu une parfaite conduite.

Près de ces Français on voit des officiers étrangers, des déserteurs de toutes puissances qui sont venus s'échouer dans les rangs de la Légion pour des motifs de toute nature et c'est pour cela que ces régiments se nomment Régiments de la Légion étrangère et ils sont faits plutôt par les étrangers que par les Français. Là ils sont à l'abri de toute poursuite et sous un nom quelconque ils peuvent cacher en toute sécurité leur honte et leur infamie.

Les Allemands, les Autrichiens, les Suisses, les Belges, les Espagnols sont des exilés de tous pays et parmi eux le plus grand nombre ne reverront jamais leur famille ni leur patrie. Le soir quand les travaux de la journée sont finits ils se réunissent par petits groupes et par nationalité. Ils parlent leur langue particulière, s'entretiennent de leur pays ou combinent àvoix basse quelques escapades. Là on peut entendre parler à peu près toutes les langues européennes sans rien y comprendre.

Le  Légionnaire est souvent victime d'une maladie contagieuse, qu'il appelle le cafard. Il a le cafard qu'en s'ennuyant trop entre les quatres murs de la caserne, il s'enfuit loin de la garnison et pour conserver la libertée et ne pas mourir de faim le fugitif emploie tous les moyens et ne crains pas d'avoir recour au vol et même au meurtre.

Quand un mandat parvient à l'un de ces singuliers soldats, les portes de la prison sont bien prêtes de s'ouvrir pour lui. La raison en est facile à deviner car l'heureux veinard ne sera tranquille que lorsque le dernier centime aura pris le chemin de la cantine ou d'un bar de la ville.

En compagnie d'un ou deux centimes, il s'en va noyer sa joie dans le vin on peut les rencontrer dans les rues du noir quartier arabe, toujours altérés, faire les quatre cent coups du diable. La dernière pièce embalée, on les rentre ivre comme des Polonais, les dents serrées, les yeux en boule. La prison les dégrise et ramène un peu le calme dans ces têtes légèrement déséquilibrées.

Les Légionnaires sont capables de tout, ils inventent des trucs impossibles, pour se procurer de l'argent, il n'est pas rare d'en voir vendent leurs armes, leurs habits, volant ce qui appartient à leurs camarades pour le vendre aux arabes et aux juifs. Les plus honnêtes confectionnent une foule de biblots qu'ils vendent ensuite à la caserne ou en ville. Ils font soit des ceintures en drap soit des chaînes de montres ou des dessins arabes, ect...

Et je peux dire que beaucoup d'entre nous font souvent du commerce avec eux; à ce sujet, je vais raconter une anecdote dont la ville de Sidi-Bel-Abbès a été le théâtre et qui s'est passé au régiment étranger en garnison dans cette ville. Laquelle j'ai entendu dire à un légionnaires, un ancien ex-St Cyrien, lieutenant d'infanterie de marine, s'est engagé après je ne sais qu'elle aventure comme simple soldat à la légion; devenu caporal et enfin sergent, il est nommé secrétaire du colonel. Un jour que le colonel gardait la chambre, son secrétaire s'introduisit chez lui, se deshabille, endosse l'uniforme auxcinq galons, il s'arrête près d'une glace, à l'aide d'une patte de lapin, de rouge, de noir, de blanc vieillit sa nuque, cerne son nez, poche ses yeux, se ride le front. Satisfait de son travail, il sourit, allume un londres et sort, passe devant la caserne, le poste présente les armes.

Comme c'est le soir, on ne voit du colonel que sa nuque blanche, sa silhouette et cinq galons en or. Il tire le képi aux dames mais ce sont les dames du beuglant, il traverse le groupe de légionnaire qui s'écartent la main haute. Bon enfant il leur passe sous le nez, le papillon fou de sa cravache (salue mes garçons).

Il erre dans les rues pendant une heure, comme il a soif, il entre au concert espagnol mais il est perdu: 30 soldats qui sontlà éparts, se dressent, saluent, se rassessiens. Le propriétaire a l'air gêné. Le colonel s'installe au fond du café (malheureusement il n'a pas de porte-monnaie et se contente de demander un litre de vin à 5 sous), ce qui attire la méfiance, il boit verre sur verre, se grise, invite les soldats. Deux adjudants qui se sont levés le regardent attentivement et reconnaissent la tromperie. Le malheureux se voit entouré tout d'un coup et emmené à la boîte, cette farce lui coûta 60 jours de prison. Pendant ce temps, grâce à son service antérieur et aux démarches de sa famille, il est renommé sous-lieutenant (au titre étranger). Le caporal qui va lui annoncer cette bonne nouvelle remarque que la médaille militaire du nouveau lieutenant est pendue par un clou sur la porte de la prison à l'extérieur. Une fois dans le couloir, le caporal montre la médaille et s'étonne. Eh? quoi, répond le prisonnier, est-elle punie? Que d'histoires analogues aussi drôles que celles-ci. Il n'y a qu'à examiner leur vie pour en découvrir chaque jour. Maintenant faut-il se montrer trop sévère pour ces boutades ne vaut-il pas mieux accorder un peu  d'indulgence à ces folies, à ces malheureux que le combat altère dès les premières occasions....françaises du Tonkin, du Dahomey et de Madagascar.

Dernièrement encore un fait assez rare s'est passé ici: un légionnaire revenu.... peu des campagnes...et se trouvant las sans doute, content de sa nouvelle vie, il entre dans une chambre où il y avait 9 fusils, il les prend en ce lieu et les brise sur un banc, j'ai vu les fusils ou plutôt les morceaux de fusils à l'armurerie, chaque fusil étaient en 7 ou 8 morceaux. Il fut aussitôt conduit en prison et passa au conseil de guerre, je ne sais pas encore quelle condamnation il a eu, mais, en tous cas, il l'aura certes bien méritée.

 

Les Marches d'Epreuves

23 avril

Nous venons de faire cette semaine nos marches d'épreuves avec un parcourt d'environ 100 kilomètres en 4 jours et demi. Bien que cela ne fasse qu'en moyenne de 20 à 22 kilomètres par jour, c'est assez pour nous avoir fit voir ce que sont les marches sur le sol Africain.

Nous partions de grand matin afin d'éviter une partie des grandes chaleurs qui sont accablantes en ce moment. Les heures du réveil ont été les suivantes: Mardi 4 heures, Mercredi 3 heures 1/2? Jeudi 3 heures, Vendredi 2 heures, samedi 1 heure 1/2

de sorte que la moitié de l'itinéraire se trouvait parcouru la nuit.

La première étape, n'était jamais la plus gaie, nous étions à peine éveillés et nous allions à droite et à gauche, les joux encore gonflés par le sommeil. Pendant ces premières heures de route, il ne faisait pas chaud surtout au moment ou le soleil commençait à poindre au-dessus des montagnes. Pourtant c'était bien beau le soleil levant empourprant avec les rayons dorés, toute la longue chaîne des montagnes du Tessalah.

Dans le lointain les vignerons allumaient de grandes fumerolles, qui formaient au-dessus des vignes des nuages bleuâtres destinés à préserver les jeunes pousses si tendres encore contre les gelées blanches des nuits.

C'était aussi le moment ou des alouettes s'élevaient en chantant si haut vers le ciel qu'on avait peine à les distinguer. Ce chant si pur de l'alouette matinale nous met un peu de joie au coeur, et nous nous mettons à chanter ces chansons de route tant aimées des troupiers.

Nous marchons ainsi plus allègrement, ne pensant plus au sac qui nous couoe lesépaules et aux brodequins qui nous blessent les pieds, nous oublions également que nous marchons sur de mauvais chemins. Les chemins que nous suivons, ne ressemblent  en rien à nos beaux chemins français; ce sont des sentiers caillouteux, tracés au milieu des vignes ou des immenses plaines de palmiers nains; d'endroits en endroits les cailloux disparaissent pour laisser place à une épaisse couche de poussière qui nous aveugle.Elle pénètre partout, désèche la gorge et brûle les joux comme si l'on introduisait du poivre.

De loin, l'on peut suvre nos traces à l'épais nuage de poussière jaune qui se soulève au-dessue de nos têtes. Toutes les 50 minutes nous avons 10 minutes de pose que nous mettons à profit pour rajuster notre équipement et surtout pour calmer la soif avec quelques gorgées d'eau mélangées de vin ou de café.

Le paysage est on ne peut plus monotone, toujours la plaine avec ses immenses étendues de vignes dont les ceps déjà reverdis montrent les magnifiques grappes sous le poids desquelles ils ploieront dans quelques mois. Parfois nous passons près d'un marabout éblouissant de blancheur qui se dresse au milieu d'un cimetière arabe. D'autres fois, apercevons à demi caché dans des touffes de palmiers un campement de nomades dont les habitants se montrent étonnés en nous voyant passer. Par ici, par là, quelques fermes habitées par des colons, mais ces rencontres sont rares. L'on fait souvent une dizaine de kilomètres, sans rencontrer ni une habitation, ni un seul homme; ce n'est donc pas bien gai ni bien varié. Ce samedi dernier jour de marche, nous avons cependant été plus favorisé sous ce rapport nous avons traversé deux petites ..................................................

Tout le monde sort aux portes pour nous voir passer. Nous ne sommes pourtant pas jolis garçons avec nos figures noircies par le soleil et nos habits poussièreux. Le soleil redouble d'ardeur alors l'on endosse les couvres-nuques. Rien de plus curieux que ce long défilé de têtes blanches qui serpente au milieu de cette plaine verte. La sueur ruisselle mais qu'importe l'on avance quand même.

Voilà notre vie pendant ces quelques jours de marche. Elles sont terminées, dieu merci nous n'avons pas trop souffert, nous sommes heureux quand même car elles sont beaucoup fatiguantes qu'en France à cause des mauvais chemins et de la chaleur.

 

Les Fêtes de Bel-Abbès

26 avril

Depuis trois jours, nos bons arabes sont en fête; ils ont laissé leur burnous d'un blanc très douteux, pour endosser leurs beaux habits. C'est la fête"d'Aïn el Kébir" ou autrement dit la fête du Mouton. Chaque familles doit immoler pour ces jours de fête un de ces animaux. Les riches en tuent de gros, les ouvriers de plus modestes, les indigents partagent avec les favorisés de la fortune. Ce qu'il y a de plus remarquable c'est la fraternité qui règne ce jour-là entre tous les arabes de quelque condition qu'ils soient chaque rencontre est le motif d'accolades qui n'en finissent plus, car on s'embrasse pendant ces jours de fête. Le baiser arabe ne ressemble guère au baiser que nous connaissons, le baiser chez les indigènes s'échange d'homme à homme, de femme à femme jamais je n'ai vu un arabe embrasser sa femme. Comme je l'ai dit le baiser se borne à une simple accolade silencieuse et froide même dans leur joie. Les arabes paraissent tristes avec leurs figures sérieuses et mélancoliques. J'ai voulu me faire une idée du village indigène pendant ces jours de réjouissance. Une animation inaccoutumée y règne. Les rues étroites et à moitié désertes en même temps ordinaires sont encombrés d'une foule remuante et composée d'éléments très divers. Les femmes se font remarquer par la richesse et l'éclat de leur costume"au moins quelques-unes" pas toutes. Elles se drappent dans leur grands voiles aux couleurs voyantes ornés de dorures qui scintillent sous ce beau soleil d'Afrique. Ce qui est surtout très amusant à voir ce sont des quantitées de petites mouquaires qui trottent de tous côtés comme des petits lapins, elles sont très originales avec leur petits bonnets pointus garnis de dorures, leurs ceintures brodées et leurs rubans jaunes, verts et rouges. Tout ce monde va, vient; circule en tous sens, prodiguant à l'un et à l'autre ces accolades qui ne font que nous faire rire.

Il y a aussi une autre chose à signaler sur la façon dont les arabes s'abordent en temps ordinaires. Ils échangent d'abord une poignée de main comme nous le faisons, puis portent ensuite cette main à leurs lèvres et l'embrasse. Pendant que dure la fête du mouton, les arabes sont excessivement hospitaliers. Ils reçoivent avec un accueil bienveillant les étrangers et les visiteurs qu'il rencontrent, ils les conduisent dans leurs maisons ou sont leurs tentes et les invitent à partager leur repas. Dans les régions du Sud, les fêtes d'Aïn el Kébir sont l'occasion de brillantes fantasias, ou les arabes peuvent déployer leur meilleure adresse. Montés sur leurs pur sang nerveux, ils éxécutent des charges fantastiques se ruant sur un ennemi invisible avec une rapidité vertigineuse, les coups de fusils crépitent partout mêlant leur bruit aux hiurras des cavaliers. Les arabes sont là dans leur élément leur figure respire une sauvage énergie, mêléed'un fanatisme aveugle. La civilisation n'a pas encore adouci lesmoeurs brutales des indigènes. Les cavaliers farouches sommeillent toujours sous ces natures mornes et à la première occasion, ils se réveillent avec tous leurs instincts de carnage et de pillage. Un exemple tout récent " il date d'un mois à peine" est là pour nous édifier à ce sujet: Deux tribus marocaines, les Mehayas et les Djads qui s'étaient établies  aux environs de notre frontière, se sont à peu près massacrées pour un mot futile. Il a fallu l'intervention de plusieurs détachements de Tirailleurs Algériens et de Spahis pour remettre l'ordre et repousser les bandes de fuyards qui s'étaient réfugiés sur notre territoire.

Plusieurs furent tués et d'autres grièvement blessés. L'officier qui les commanda fut mis à l'ordre du joir et proposé pour la Légion d'honneur. Malgré leur soumission apparente les arabes sont toujours sur le qui-vive. A propos d'une sourde agitation qui s'est produite il y a quelques semaines, l'écho d'Oran publiait ce qui suit à ce sujet:

                "Depuis que nous sommes en

                 relations avec les musulmans on

                 dirait que nous n'avons pas appris à

                 les connaître et que nous ignorons encore

                 que les arabes expriment toujours le

                 contraire de leur pensée. Il faudra

                 encore une leçon comme l'insurrection de

                 1880 pour nous rappeler combien nous

                devons tenir compte des promesses musulmanes."

Les Maneuvres de garnison

La dernière semaine toutes les troupes de la ville de Bel-Abbès ont pris part à des maneuvres de garnison pendant 3 jours: je vais consacrer quelques lignes à ce souvenir. La soirée du 28 juin avait été consacrée aux préparatifs du départ principalement au montage de ces inséparables azor. En Algérie le sac est un véritable monument, car on marche en effets de toile et il faut placer dessus une capote et un pantalon rouge roulé, la toile de tente et les piquets sans compter les ustensiles de campement tels que marmites, gamelles, haches, pioches, sac à distribution, ect...

C'est avec ce chargement que les soldats d'Afrique  s'en vont en maneuvres.

Le jeudi matin à 4h 1/2, nous quittons la caserne faisant route par Sidi-Lhassen et Sidi- Kraled. Les premières étapes ne furent pas trop fatiguantes à cause de la fraîcheur de la nuit. Puis de temps en temps nous rencontrons des arabes conduisant leurs troupeaux de boeufs et de moutons au marché de Bel-Abbès. Les pauvres conducteurs n'étaient pas trop heureux, car les animaux ahuris par cette longue colonne de soldats, par ce bruit de ferraille ne se laissaient plus conduire que difficilement. Quand nous traversons Sidi-Lhassen, le village commence à s'éveiller,les volets s'ouvrent et les habitants nous regardent défiler avec des yeux encore gonflés de sommeil. Nous allons plus loin suivant toujours la route de Tlemcen. Mais le combat s'engage presque aussitôt entre notre avant-garde et les premières forces de la Légion qui représentent l'ennemi et dont le gros des troupes occupe Sidi- Kraled.

Le thème de cette première journée de maneuvre: Une troupe est envoyé de Bel-Abbès pour empêcher un parti ennemi d'opérer des réquisitions dans le village de Sidi-Kraled et ses environs. Je ne m'amuserais pas à raconter longuement les diverses phases de cette lutte, car je serais obligé de m'étendre sur des détails qui manqueraient d'intérêts pour ceux qui n'ont pas participé à cette affaire. Je me contenterais de dire qu'après une bonne heure de marche nous sommes arrivés au pied du côteau dont le village occupe le sommet, que nous lui avons fait l'honneur d'une fusillade enragée pendant 5 minutes et comme c'était prévu nous étions vainqueurs. Seulement si la bataille était fine, nos peines ne l'étaient pas, car, il nous fallait retourner à Sidi-Lhassen pour bivouaquer encore à 6 kilomètres de marche. Le plus désagréable c'est que le soleil s'est mis de la partie nous grillant comme dans un enfer. Mais la perspective d'une bonne soirée de repos nous fit trouver des jambes et l'emplacement du camp fut encore assez vite atteint. Alors par groupes de 6 hommes, nous nous mettons à monter nos tentes, puis à installer nos lits en répandant sur le sol un peu de chaume que nous allons arracher aux environs. Comme confortable il n'y a rien de trop, mais à la guerre comme à la guerre. Le plus à plaindre à cette occasion est l'estomac qui crie la faim, mais lui aussi va avoir son tour, car déjà les feux s'allument et le café se prépare. Un bon quart de petit noir remet son homme sur pied et après avoir cassé une croûte on peut s'occuper de se préparer un repas plus réconfortant. L'un va chercher de l'eau, un autre du bois, d'autres reviennent de la distribution avec de la viande, de la graisse, du café, sans oublier les pommes de terre. Chacun s'ingénie pour préparer une bonne popotte sous la direction de l'un de nous qui s'improvise cuisinier. Pendant que la marmite chauffe sur les tisons, le troupier commence à prendre un peu de repos, il s'enroule dans sa couverture, s'allonge sur sa maigre couche et s'endort.

C'est un coup d'oeil très intéressant que le spectacle d'un de ces camps, d'un de ces petits villages en toile. Au moment de l'arrivée on dirait une véritable fourmillière où règne la plus grande activité.Une heure plus tard plus personne, tout le monde est caché sous la tente. Seul le soleil du haut de son trône d'azur fait briller toutes ces tentes comme de la neige. Beaucoup d'habitants du village sont venus nous voir à distance car les sentinelles éloignent les curieux trop hardis et même un certain nombre de Bel-Abbès qui avaient choisi notre campement comme but de promenade. Dans la soirée le Siroco se mit à souffler avec furie soulevant des nuages de poussière et même de sable rouge qui pénétrait partout et venait nous aveugler jusque sous nos tentes. Plusieurs d'entre elles furent démolies, mais le malheur n'était pas très grand et toujours facile à réparer. Le soir après avoir fait honneur à notre cuisine (en maneuvre il ne faut pas être difficile) nous risquons un bout de promenade jusqu'au village. Il fallait songer à renouveler quelques petites provisions pour le lendemain. A la nuit on regagna tranquillement nos tentes cherchant non sans peine à retrouver la sienne car il n'y a rien qui ressemble si bien à une tente qu'une autre tente. Malgré notre installation toute primitive, j'avoue franchement que j'ai passé une bonne nuit. D'ailleurs après une journée de fatigue, le sommeil ne se fait pas attendre. Le camp tout entier devient silencieux et désert, parfois de loin en loin on entend le pas lourd des sentinelles qui veillent, ou le claquement d'une toile qu'un souffle de vent agite. Puis tout bruit cesse, c'est le repos, le bon sommeil réparateur.

2è journée:

30 juin

Le lendemain matin à deux heures le clairon sonne le réveil. Ce jour-là plus que tout autre le réveil ne m'a pas beaucoup souri, mais il n'y a rien à dire et surtout il faut replier sa tente, refaire le sac, reprendre les effets de toile et surtout essayer de retrouver son fourbi au milieu de ce cahos à la faible clarté de la lune.Tant bien que mal tout est remis en ordre il n'y a plus qu'à boire tranquillement le café que le cuisinier vient de préparer et d'attendre le signal du départ. A 3 h 1/2 nous quittons le campement pour nous diriger sur le Tessalah dont la masse se dresse au loin au fond de l'horizon sombre. La colonne traverse de nouveau le village de Sidi Lhassen encore tout endormi, quelques maigres chiens seuls hurlent tristement sur notre passage. Bientot le mauvais chemin que nous suivons est remplacé par un étroit sentier qui serpente à travers de splendides vignes puis des terres labourées. Enfin nous abordons une région déserte coupée d'épaisses brousailles de palmiers nains qui rendent la marche de plus en plus difficile et pénible. Les coteaux succèdent aux ravins à pic avec une monotonie désespérante, pas une maison en vue à peine quelques rares douars échelonnés de loin en loin sur les pentes du terrain.

Nous faisons une halte au fond de ces ravins où coule un mince filet d'eau ombragé d'épais roseaux, à quelques pas de là un puits que nous utilisons aussitôt, car il nous reste plus d'eau dans nos bidons, mais elle n'est pour ainsi dire pas bonne à boire. Le combat s'engage un peu plus loin sur un terrain détestable et très fatigant pour la marche. Quelques lièvres réveillés par les coups de fusils s'enfuyaient éperdus devant nous. Ils auraient pourtant bien fait dans l'une de nos marmites. Comme la veille il nous restait après la lutte un bout de chemin à faire avant d'atteindre le pied du Tessalah où nous devions camper. Nous avançons rapidement mais la montagne semble s'éloigner à mesure que nous approchons, cette illusion est insupportable. Enfin nous arrivons et les mêmes travaux d'installation recommencent avec la même régularité.

Mais ici nous ne sommes pas favorisés comme à Sidi-Lhassen, car nous sommes presque en pays désert. Le petit village comprend que la gendarmerie, la poste, la mairie, le logement de l'institutrice et deux cantines dont l'une s'intitule fièrement:"Cantine Franco-Russe". Il est facile de comprendre que toutes les provisions de ce petit village paraissant peu pour répondre aux besoins de 2 bataillons. Aussi de bonne heure il était impossible de se procurer autre chose que de l'absinthe et des liqueurs plus ou moins frelatées pour la circonstance. Quelques-uns de mes camarades ont tenté dans la soirée l'ascension de la montagne dont le sommet atteint 1061 mètres de hauteur. Ma foi je n'ai pas imité leur exemple trouvant que j'en avais assez de la première fois, car j'y avais déjà monté et j'en garderais un long souvenir. Je songeais aussi que dans la journée du lendemain, nous réservait encore de nouvelles fatigues. Je me suis donc borné à une courte promenade au village, laissant à d'autres les émotions d'une plus longue excursion.

3è journée du 1er juillet:

Il est 5 h 1/2 quand nous quittons le Tessalah pour nous mettre en route pour Sidi-Bel-Abbès. La première partie du voyage est agréable car la route que nous suivons traverse une région très accidenté. Mais il fallut bientôt la quitter pour s'engager à travers champs; l'ennemi qui devait s'opposer à notre passage et il fallait le chasser. Pour arriver à ce résultat nous étions obligé de traverser une immense plaine défrichée et jonchée de tas de racines de palmiers. Et pendant

que nous avncions, l'ennemi qui s'était retranché en avant sur de hautes collines nous faisait l'honneur d'une fusillade enragée mais heureusement inoffensive. Peu à peu nous engageons le combat à notre tour pour nous faire un passage mais au moment où croyons être les maîtres un petit ruisseau de 4 ou 5 mètres de large qui serpente au pied des collines nous arrête, il n'y avait qu'une chose à faire? le traverser. C'est ce que nous avons fait, mais si l'eau était peu profonde, la vase l'était aussi quand je m'aventure dans le lit de la rivière je me sens enfoncer de plus en plus profondément à chaque pas, je suis pourtant arrivé jusqu'à l'autre rive où j'ai dû me cramponner à des roseaux pour m'arracher de cette boue infecte et gluante.

                                Au loin la charge sonne

                          La monteras-tu la côte soldat

                          La monteras-tu la côte (etc...)

et on oublie l'état dans lequel nous sommes pour grimper péniblement à l'assaut de la colline. Au moment où nous arrivons en haut le clairon sonne cessez le feu et tout est fini.

La chaleur est torride, mais personne ne veut rester en arrière pour cela. Nous marchons  toujours malgré la fatigue de la maneuvre. Peu à peu les premières maisons de Bel-Abbès se montrent au lointain.... et une demi-heure après nous franchissons la grille de la caserne. Je n'étais pas fâché de partir en maneuvre, mais j'étais plus content encore de rentrer, de retrouver mon lit, avec lequel je me suis empressé de renouveler connaissance.

Comme conclusion, je me bornerai à constater l'entraide, la bonne humeur qui n'ont pas cessé de régner pendant ces trois jpurs malgré la chaleur excessive que nous avons eu à supporter?

                                                       FIN

 

 

 

Plusieurs personnes se sont intéressées à ce récit : Jeannine LAGADEC qui m'a autorisée à publier les photos des cartes postales représentant les arênes de Sidi-Bel-Abbès : beau bâtiment construit sur un terrain ayant appartenu à sa grand-mère maternelle et puis, Raymond GALIPIENSO, natif de Sidi-Bel-Abbès, qui a retrouvé un article de journal de l'époque et qui m'écrit:

 "J'ai retrouvé pour vous un article de Presse annonçant la date du retour des troupes et donc de votre grand père en France. Je l'ai recopié pour vous:
Journal Le Progrès de Bel-Abbès du 2 août 1899: Le départ de la Ligne.
Comme nous l'avons déjà annoncé, c'est du 7 au 10 août que s'embarqueront à Oran. les bataillons des 101° et 103° de ligne, fermant le groupe de marche en garnison à Bel-Abbès, à destination de Laval et de Mamers, et le 12e groupe, formé des bataillons des 50° et 107° en garnison à Oran, qui réintègrent Périgueux et Angoulême.
Les rapatriements vont se faire d'Oran, par les paquebots qui desservent le port des Pyrénées-Orientales.
Les quatre bataillons prendront directement, à Port-Vendres, le chemin de fer du Midi, pour rejoindre leurs garnisons d'origine."

                                          Je les en remercie vivement.